" BRETAGNE"
La première version du Boston, le DB-7 avec la première escadrille du groupe de bombardement 1/32 en 1940.
( Source: Les Forces Aériennes Françaises Libres, Ministère de la Défense)
Après juin 1940, les quelques appareils et la poignée d'aviateurs de l'Afrique Equatoriale constituaient les seules Forces Aériennes Françaises Libres en Afrique.
C'est le 1er janvier 1942 que le détachement aérien du Tchad, formé alors d'aviateurs dont la majorité venaient d'Angleterre, reçut le nom de groupe "Bretagne"
Équipe d'abord de "Lysander" et de "Glenn-Martin-Maryland", le groupe reçut à la fin de 1942 des "Bristol-Blenheim" pour appuyer les opérations de la colonne Leclerc au Fezzan.
Groupe mixte de reconnaissance et de bombardement moyen, il fut, en réalité, employé aux fins les plus diverses.
Au printemps de 1942, lors de la première campagne du Fezzan, le groupe "Bretagne", sous le commandement du commandant Noël appuie l'action des troupes au sol.
Le 18 décembre, le commandant de Saint-Péreuse réunit le groupe entier à Zouar. L'offensive de la colonne Leclerc est imminente et c'est le groupe "Bretagne" qui l'appuiera avec cinq "Lysander", six "Blenheim", deux "Maryland". Les opérations commencent à Noël. Les noms seuls des objectifs évoquent aujourd'hui les étapes de la marche victorieuse du Fezzan.
Ici se place le fameux épisode de l'affaire de Murzuch. La garnison italienne craignant d'être coupée venait d'évacuer la palmeraie et se dirigeait vers le Nord. La colonne comptait: cent dix Européens. dont dix-sept officiers et une douzaine d'Ascaris. Elle était accompagnée de chameaux de bât, mais les hommes étaient à pied, seul le commandant possédait une voiture et un cheval.
Le 9 janvier, le général Leclerc apprend ce repli. Il détache immédiatement une colonne motorisée à la poursuite des Italiens: cinq autos-mitrailleuses, cinq camions avec une soixantaine de tirailleurs et cinq Européens. La colonne part et occupe Murzuch sans coup férir, mais ne peut retrouver les traces de sa garnison. Aussi, le 10 au matin, le général demande au groupe "Bretagne" d'envoyer un appareil pour retrouver la colonne italienne. L'équipage désigné est celui du lieutenant Mahé: observateur, sous-lieutenant Canepa; mécanicien, sergent Dubroca; radio, sergent Lévêque. L'avion est un "Glenn-Martin-Maryland".
Le matin vers 9 heures, l'avion aperçoit la colonne italienne, elle s'est arrêtée à un puits, à 30 kilomètres au Nord de la palmeraie de Murzuch. Le "Glenn" pique et mitraille, des chameaux sont tuées des hommes s'égaillent, le cheval, la voiture et le commandant s'enfuient, l'un tirant l'autre, à travers le désert.
Mais les armes s'enrayent. Seule, la mitrailleuse ventrale fonctionne encore. Alors on décide à bord d'avoir recours à l'argument dernier: l'intimidation. Le sous-lieutenant Canepa rédige le message en français: " Si vous voulez vous rendre, montrez des drapeaux blancs et restez en place." L'avion passe en rase-mottes et lance son message. Bientôt les italiens agitent et étendent tout ce qu'ils ont de blanc. Ils se rendent. L'avion qui tourne toujours autour d'eux, comme un épervier, les voit écrire sur le sol, avec des vêtements le mot "atterrate". L'équipage comprend tout de même assez l'italien pour deviner l'invitation. Mais on hésite et le lieutenant Mahé retourne d'abord vers les autos-mitrailleuses.
Nouveau message par lequel on apprend à la colonne que les italiens se sont rendus et le "Glenn" retourne, fidèle chien de troupeau, garder ses prisonniers, pendant que la colonne dépiole les dix voitures pour cerner le puits. Le lieutenant Mahé a peur d'ensabler son appareil. Il attend que la colonne arrive. Tout se passe sans incident et, les italiens rendus, l'avion se pose.
Mission terminée, il ne reste plus qu'à rentrer à Umm sans autres incidents que les mille joies dont est tissée l'aviation saharienne. La batterie est déchargée, l'avion est ensablé...
Murzuch et sa garnison sont entre nos mains. La route du Nord est libre.
Après cet exploit resté légendaire dans les annales de l'aviation, le groupe continue ses missions de reconnaissance et de bombardement.
L'état des appareils ne lui permettra pas de participer à la campagne de Tunisie. L'entrainement sur les "Blenheim" qui survivent se poursuit sans relâche. Alternance d'espoir et d'ennui. Enfin, c'est à Rayack, en novembre, que le commandant de Maismon commandant le groupe "Bretagne", reçoit l'ordre de regagner l'Algérie.
Le 15 mai, le groupe "Bretagne"équipé de "B26 Marauders" rejoint en opération le 1/22 déjà engagé en Sardaigne. Commandé par le commandant Meyrand, il participe, aux côtés des groupes "Maroc" et "Gascogne", aux pilonnages de l'Italie du Nord et au moment du débarquement allié sur les côtes sud de la France, aux succès des opérations, notamment en réduisant au silence des batteries côtières qui défendent l'accès du port de Toulon.
Par son recrutement si divers, où se trouvent rassemblés les survivants du Tchad et du Fezzan, des métropolitains échappés des prisons d'Espagne, des Français d'Afrique du Nord et d'Angleterre, et par ses missions si audacieuses au-dessus des territoires les plus hostiles, le groupe "Bretagne" représente une image réduite, mais fidèle de l'aviation française renaissante.
( Source: AILES françaises - Hebdomadaire de l'aviation N° 4 du 21 Novembre 1944)