Henri VIGIER
Mort pour la France
Henri VIGIER à son retour d'une mission de bombardement. Cette photo àété tirée à plusieurs millions d'exemplaires par la propagande alliée et diffusée avec cette présentation " Un ami des Forces Françaises Libres".
L'INCROYABLE AVENTURE.
Vigier vient de quitter la zone allemande et relate, comme en passant, un exploit qui suffit à donner la mesure de son coeur.
"... Le 24 décembre (1940), je pris le train pour Tours puis pour Blérié-sur-le-Cher où je pus passer d'une zone à l'autre tard dans la soirée... Le matin, transi de froid, je roulai vers Chateauroux, Limoges, Brive, Aurillac car je tenais à voir une dernière fois ma famille et mon beau pays d'Auvergne. Ce devoir accompli, je partis rendre visite à un de mes oncles qui habite Viviez et, en y allant, ce n'est pas sans émotion que je traversai la commune de Pers où je suis né.
Arrivé chez lui, j'appris que mon cousin (son fils) était peut-être encore prisonnier à Orléans et, en tout cas, en instance de départ pour l'Allemagne. Refaire le chemin inverse, repasser la zone, filer sur Orléans et aider mon cousin à s'évader ne fut qu'un jeu, sauf naturellement les risques encourus et la fatigue des nuits de voyage sur le dur... Nous reprîmes à nouveau le chemin de la liberté sans incident, sauf au passage de la zone où nous manquâmes d'être cueillis par les Allemands. Le 8 janvier nous étions de retour à Viviez.
...Laissant mes parents à leur joie, je partis pour Toulouse où j'espérais trouver une organisation gaulliste qui hélas n'avait peut-être jamais existé que dans l'imagination de quelques zélés partisans..."
...Vigier est maintenant à Marseille. Grâce à une complicité que lui ont valu sa chance et son cran, il est titulaire d'un livret de navigateur et attend impatiemment que le bateau auquel il est affecté puisse reprendre la mer.
...Entre temps j'avais manqué d'être la victime d'une soi-disant organisation gaulliste qui faisait partir ses membres par le territoire neutre d'Andorre... Est ce n'est que grâce à une prudence aiguisée par mes récentes déconvenues que je parvins de justesse àéchapper à la police.
...Vers fin mai, le bateau ayant terminé ses réparations revint à Marseille. La navigation était presque entièrement suspendue et on passait de longues semaines dans le port en proie aux mouchards de la légion et du parti doriotiste.
Heureusement, sur le bateau, deux officiers mécaniciens protégeaient les gaullistes et je voudrais que MM. Rousseau et Barbier lisent un jour ces lignes et y trouvent l'expression de la reconnaissance de tous les mécaniciens du Colombie qui ont rallié nos forces françaises libres.
"...Aussi quelle joie et quel stimulant, lorsque j'apprends que le bateau va aller à Beyrouth chercher les gens qui, trompés par une propagande que toute la France a connue ne veulent pas rallier... Un court séjour à Toulon, une dernière fouille - car sur le Marrakech qui nous précède une bonne douzaine de passagers clandestins ont été trouvés - et nous voilà partis!..."
Cette note de voyage:
"... En passant de nuit, j'admire le volcan Stomboli dont la lave rouge coule jusqu'à la mer, mais le matin, à l'entré du détroit de Messine j'admire avec encore plus de plaisir un beau croiseur italien qui, quelques heures auparavant, a reçu d'un sous-marin anglais deux torpilles en son arrière qui est complètement sous l'eau..., quelques charges de profondeur secouent notre navire mais j'apprendrai à Beyrouth que le sous-marin s'en est sorti sans mal.."
Et voici l'arrivé.
"... J'ai préparé deux cordes de 10 à 12 mètres, j'ai enveloppé mes papiers dans un vieux morceau d'imperméable et j'attends.
... Chance ! nous allons à quai. Je quitte mon service, cours à ma couchette, me change, prends ma petite valise et fonce sur l'échelle de coupée, quitte à forcer le passage... Mais, joyeuse et bonne surprise, les deux fonctionnaires de garde ont été les premiers à déserter le bateau. Ils sont déjàà terre et c'est un défilé des membres de l'équipage, les marins en bleus, les cuistots en blanc, les soldats qui suivent avec armes et bagages et voici la femme de chambre - en réalité infirmière diplômée - qui vient aussi offrir ses services à la France libre avec ceux d'un jeune pilote parisien quelle avait réussi à cacher à bord..."
"... Il y a 8 mois que j'attendais ce jour-là ! on ne pourra pas m'accuser de manquer de suite dans les idées... Mais pourvu que ma mère qui est seule à Paris et mon frère prisonnier n'en souffrent pas.
J'ai toute leur approbation."
Henri VIGIER qui fera toute la dure campagne de Lybie jusqu'à la victoire d'El Alamein sera d'abord chargé, comme sergent, du service des réparations et de la défense du camp d'aviation de Rayack proche des lignes. Ce n'est pas précisément une sinécure.
Voici d'ailleurs un échantillon de la trame de périls et de fatigues dont étaient faits les jours.
"... Après l'installation, le vrai travail commence. Interceptions, convoyages, chasse de nuit, les pilotes s'en donnent à coeur joie... En tout et pour tout, nous avons par jours, trois litres d'eau légèrement salée. Le vent de sable très fréquent, nous oblige à porter des lunettes. Il rentre partout, même dans la soupe. La chaleur elle est si forte que les cartouches partent toutes seules et brûlent dans les boîtes chargeurs des ailes.
"... Presque toutes les nuits l'ennemi vient lancer sur le terrain des fusées éclairantes et de petites bombes incendiaires mais nous craignons surtout les parachutistes venant du désert... nous ne seront mitraillés qu'une fois, bombardés une demie douzaine et encore, par chance, à chaque coup notre partie de terrain est manquée... Ce terrain nous porte bonheur. C'est là que nous avons vécu, en avant de nous, le vaillant exploit de nos frères d'armes de l'infanterie à Bir-Hakeim.
"... Pendant tout le mois de juin je ne me rappelle pas avoir passé beaucoup de nuit tranquille... nous sommes maintenant près du front et les parachutistes allemands attaquent fréquemment... Le travail est plus dur aussi par suite du plus grand nombre de missions.
"... Puis c'est le repli car l'ennemi avance toujours. Nous arrivons sur un autre terrain, dans le désert... et le lendemain nous sommes bombardé violemment. Un chapelet de bombes coupe notre camp en deux, un appareil brûle, deux autres sont endommagés, des bombes tombent très près de plusieurs tentes, blessant des hommes et l'une d'elle à moins de 10 mètres d'un camion chargé de munitions le criblant de centaines d'éclats, par une chance inouïe, aucune fusée, aucun obus éclatent... ce qui est heureux pour la sentinelle que nous retrouvons blessée à la tête et évanouie sur les caisses de cartouches.
"... Le groupe participant à la défense de la route où se replient les colonnes britanniques essuie des pertes sévères: cinq de nos pilotes ne sont pas rentrés... et l'ennemi avance toujours. Il ira ainsi jusqu'à El Alamein où, stoppé net, il n'avancera plus."
Damas - Groupe Alsace - Nous sommes passés en revue et félicités personnellement, par le Général de GAULLE, après la campagne de Lybie. (on aperçoit Ricardou félicité par le Général de GAULLE)